Évolution, créationnisme et sciences – avancé – 2

Leçon 2 : Créationnisme 101

 

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Il y a une seule théorie de l’évolution , tout comme il y a une seule théorie de la relativité générale en physique. Certes, il existe différentes écoles de pensée évolutionniste qui mettent l’accent sur des mécanismes distincts pour expliquer l’évolution des organismes, et les créationnistes ont tenté de capitaliser sur ces différences pour montrer que l’ensemble de la théorie est en plein désarroi. Les différences de vue entre les scientifiques sont cependant le fondement même du progrès scientifique. C’est à travers la résolution empirique des désaccords théoriques que la science progresse à son mieux et produit une meilleure compréhension du monde naturel.

Pour un néophyte, les différences entre le gradualisme néo-darwinien et la théorie de l’équilibre ponctué de Gould et Eldredge, entre la sélection individuelle et celle à plusieurs niveaux, peuvent créer l’impression que les biologistes entretiennent un dialogue de sourds dans un chaos total. Mais les réalités de la pratique et du discours scientifiques sont loin de ce que prétend la propagande créationniste. En outre, l’idée d’une science monolithique et immuable est un mythe dangereux que les scientifiques et les éducateurs dans le domaine scientifique doivent contribuer à éradiquer.

D’autre part, un regard même superficiel sur le créationnisme démontre clairement que ses partisans se sont donné beaucoup de mal pour présenter une belle unanimité aux yeux de l’observateur naïf. Comme nous allons le voir, la différence entre les tenants de la théorie du dessein intelligent (abordée à la leçon 3) comme William Dembski et les créationnistes adeptes de la jeune terre comme Duane Guish, est énorme tant au point de vue scientifique que théologique. Une des rares choses que ces gens ont en commun est leur haine pour ce qu’ils perçoivent comme une vision matérialiste et scientifique du monde ne laissant aucune place à Dieu et à la spiritualité. Phillip Johnson, ardent défenseur du dessein intelligent , estime que les créationnistes pourront l’emporter en mettant à profit ce qu’il considère comme une faille cruciale dans l’édifice de la science: le rejet d’explications surnaturelles. Je pense que la fissure dans le camp créationniste est beaucoup plus large et plus facile à exploiter, comme on le verra dans cette leçon.

Les nombreuses formes du créationnisme

 

La meilleure classification des positions sur la question des origines, comme on appelle souvent la conception plus large de l’évolution , a peut-être été proposée par Eugenie Scott, du « National Center for Science Education ». Elle est résumée dans le graphique ci-dessous. Comme Scott le fait remarquer, il y a toute une panoplie de choix à considérer et ils diffèrent selon leur degré d’appui sur la science d’une part et sur la Bible de l’autre.

Scottsclassificationcopie

À l’un des extrêmes se situent les partisans de la terre plate. Bien que clairement minoritaires parmi les créationnistes, on peut dire qu’ils en sont les plus « bibliques » à cause de leur interprétation strictement littérale : non seulement sont-ils convaincus que la terre est âgée de 6000 ans, mais en plus, qu’elle est plate et située au centre de l’univers, précisément comme le dit la Bible.

 Une position légèrement différente est celle du géocentrisme , qui accepte l’idée d’une terre sphérique, mais rejette carrément l’astronomie selon Copernic et Galilée. C’est aussi un point de vue minoritaire, mais tout comme la position de la terre plate, il est instructif parce qu’il révèle un aspect intéressant du courant principal de la pensée créationniste. J’ai eu à plusieurs reprises des conversations ou des échanges de lettres avec des créationnistes jeune-terre (le prochain groupe dans la classification de Scott) qui se défendent bien d’être crédules et opposés à la science. Ils font valoir que la preuve scientifique milite définitivement contre l’évolution et en faveur d’une jeune terre. Je leur fais habituellement remarquer poliment que la seule raison pour laquelle ils pensent ainsi est qu’ils croient en l’infaillibilité de la Bible autant en matière scientifique que spirituelle. Je leur demande alors à l’occasion pourquoi ils ne croient pas que le soleil se déplace autour d’une terre plate et immobile, puisque ces deux notions sont également présentes dans la Bible. En réalité, on pourrait dire que ces deux positions sont beaucoup plus clairement définies dans les Écritures que l’âge de la Terre, que l’on doit calculer sur la base d’hypothèses concernant la durée de vie des générations énumérées dans la Bible.

L’étonnante réponse des créationnistes consiste à nier que la Bible contienne quelque déclaration que ce soit au sujet d’une terre plate ou en faveur du géocentrisme. Ils sont clairement en contradiction non seulement avec certains créationnistes qui croient et défendent ces deux affirmations, mais aussi avec l’évidence historique : si, pendant la plus grande partie de l’histoire occidentale, les chrétiens ont épousé ces deux points de vue, c’est précisément pour des motifs bibliques! Ce n’est pas pour rien que Copernic et Galilée ont eu des ennuis avec l’Église de Rome.

Les créationnistes jeune-terre , qui semblent cependant s’accommoder de cette contradiction, représentent en fait la majorité des créationnistes aux États-Unis (selon un sondage Gallup en 1999, 45 pour cent des Américains croient que Dieu a créé les êtres humains « à peu près dans (leur) forme actuelle à un moment ou un autre au cours des 10.000 dernières années « ). Pour eux, l’histoire de la Genèse doit être prise à la lettre, le monde a été créé il y a 6,000 ans et la plupart des humains et des animaux sont morts dans un déluge mondial il y a environ 4,000 ans. Bien sûr, étant donné la preuve que nous fournissent aujourd’hui une variété de domaines, tels que la géologie, la paléontologie, l’écologie, la physique et l’astronomie, ça n’a tout simplement aucun sens de nier que la Terre soit âgée de milliards d’années et que, si des extinctions de masse se sont produites, elles n’ont rien à voir avec les inondations, puisqu’aucun évènement de la sorte ne s’est produit à l’échelle mondiale dans l’histoire aussi récente de la terre. C’est cependant la prémisse des créationnistes jeune-terre.

La catégorie suivante dans la classification de Scott sur les théories des origines marque une division fondamentale, théologique si ce n’est scientifique, par rapport aux positions abordées jusqu’ici. Nous entrons maintenant dans le domaine du créationnisme vieille-terre , qui reconnaît au moins la géologie moderne comme elle a été conceptualisée depuis Sir Charles Lyell et ses Principes de géologie (1830-1833). Elle est également en accord avec la recherche scientifique menée dans ce domaine tout au long du XXe siècle.

Dans le créationnisme vieille-terre , l’idée souvent appelée théorie de l’intervalle est de loin la plus particulière. Les partisans de cette théorie soutiennent qu’il existe un grand écart temporel entre les chapitres premier et deuxième de la Genèse dans la Bible hébraïque, ce qui suggère l’existence d’une terre antérieure à Adam qui a été détruite et remplacée par une seconde création, lorsque Dieu a recommencé son ouvrage et recréé(?) Adam et Ève. Cette interprétation résout évidemment le problème bien connu posé par les différences entre les deux récits de la création dans la Genèse, mais les « littéralistes » sont nettement insatisfaits d’une telle solution, car elle est obtenue au prix théologiquement coûteux de mettre en place un scénario (deux créations successives) dont il n’y a aucun indice dans la Bible elle-même. Il s’agit dans l’interprétation de l’Écriture Sainte de la « pente glissante » si redoutée car, même si cette idée est acceptée d’une façon ou d’une autre par la plupart des chrétiens pratiquants, elle est considérée comme très dangereuse par les fondamentalistes, qui croient que la Parole de Dieu devrait être un message clair et universel, affranchi des caprices de l’interprétation humaine.

Une interprétation encore plus libérale de la Bible est adoptée par des personnes épousant la prochaine catégorie dans le créationnisme vieille-terre de la taxonomie de Scott: le système de jour-ère. Selon cette idée, chaque jour visé dans les six jours de création du récit biblique équivalant à une ère géologique, et il a littéralement fallu des dizaines de millions d’années pour créer les étoiles, les planètes et la vie sur Terre, en accord avec la preuve fournie par l’astronomie et la géologie. Cette solution souffre encore de lacunes évidentes d’un point de vue scientifique : on n’a qu’à penser à l’incompatibilité entre la chronologie des événements dans la Genèse (par exemple, les baleines apparaissent avant les animaux terrestres) et les données de l’étude des fossiles. Mais cela tend de plus à rendre les fondamentalistes religieux très malheureux parce qu’on s’aventure encore plus loin sur la pente glissante de l’interprétation arbitraire de la Bible. Que reste-t-il alors pour empêcher le croyant d’aller jusqu’à accepter une partie importante de l’évolution ?

Pas grand-chose, ainsi qu’il ressort d’un examen rapide du créationnisme soi-disant progressiste. Cette autre version du créationnisme vieille-terre a comme promoteur typique Hugh Ross avec ses missions « raisons de croire » qui, comme le nom l’indique, reposent sur l’idée qu’on puisse accepter le christianisme sur la base de la raison et non seulement de la foi. Le créationnisme progressif est un mélange étrange et particulier de créationnisme et de science qui accepte, par exemple, le Big Bang et de nombreuses autres conclusions scientifiques, y compris biologiques, mais en limitant le pouvoir de l’évolution : on accepte par exemple la réalité de cette dernière, mais seulement à l’intérieur de types fondamentaux d’organismes créés à l’origine par Dieu.

De nombreux créationnistes jeune-terre , comme Duane Gish, ont adopté un principe semblable qu’ils appellent la microévolution à l’intérieur de types. Les créationnistes progressifs cependant, en admettant l’existence de longues périodes géologiques, ne se trouvent pas au moins dans la position inconfortable d’avoir à prêter à l’évolution des pouvoirs qu’aucun évolutionniste n’oserait lui attribuer (pour un créationniste jeune-terre , le nombre « d’espèces » étant limité par la taille de l’Arche de Noé, des dizaines de millions d’espèces ont ainsi dû évoluer à partir de quelques milliers, en aussi peu que 4,000 ans: un taux d’évolution astronomique selon n’importe quel standard!).

Le dessein intelligent: l’argument classique

 

Continuant notre chemin à travers la classification pratique de Scott, nous arrivons enfin à la théorie du dessein intelligent (DI), à laquelle je reviendrai plus en détail dans la leçon trois de ce module. C’est l’idée, assez bien étoffée à l’origine par les anciens Grecs, que l’univers est le résultat d’une sorte de plan surnaturel évidemment limité par des forces que même les dieux ne peuvent pas entièrement contrôler. Platon, dans le Timaeus, nous présente l’idée d’un dieu (plus tard appelé le démiurge, littéralement « l’artisan ») qui crée l’univers « aussi bien qu’il puisse l’être » dans les limites imposées par la contingence.

En 1831, dans son livre traduit en français sous le titre Théologie naturelle; ou, Preuves de l’existence et des attributs de la divinité, tirées des apparences de la nature, William Paley (voir l’illustration) a publié peut-être la plus célèbre défense pré-moderne du DI. Son analogie mémorable d’un horloger-créateur y est évoquée comme suit :

En traversant un pâturage, supposons que mon pied heurte une pierre et qu’on me demande comment la pierre se trouvait là, je pourrais peut-être répondre à cette question en prétendant que, pour autant que je sache, cette pierre a toujours été là . . . Mais si j’avais trouvé une montre sur le sol et qu’on me demandait comment la montre est arrivée dans ce lieu, je ne saurais penser à la réponse précédente, que pour autant que je sache, la montre a peut-être toujours été là.

WiliamPaley

Ce que Paley dit essentiellement, c’est que personne n’aurait besoin d’invoquer un concepteur surnaturel pour rendre compte de l’existence d’une simple roche, mais, pour des objets complexes et merveilleusement fonctionnels tels que les yeux, cela nécessite forcément une explication qui transcende les lois naturelles. S’il y a une montre, c’est donc qu’il y avait un horloger; par conséquent, s’il y a un œil, il doit y avoir un concepteur intelligent derrière cet œil.

Malheureusement pour Paley, le célèbre philosophe sceptique David Hume (photo ci-dessous) avait déjà vivement critiqué ce type d’argument plus de 50 ans auparavant. Dans ses « Dialogues sur la religion naturelle », Hume a laissé à son personnage légendaire, Philo, le soin d’expliquer de façon concise ce qui ne va pas avec l’argument de la conception: « Le monde ressemble manifestement plus à un animal ou un végétal qu’à une montre ou un métier à tisser. Il est plus probable, par conséquent, que son origine ressemble davantage à la cause du premier qu’à celle du second. La cause du premier est la génération ou la végétation. » Autrement dit, l’univers est une création naturelle et non pas surnaturelle. Il est intéressant de noter que l’argument de la conception est encore le plus populaire chez les gens qui veulent justifier leur croyance en Dieu.

La critique de Hume du dessein intelligent

 

On peut discerner six objections à l’argument du dessein intelligent dans la lecture complète des Dialogues de Hume:DavidHume

(1) L’analogie entre l’univers et les objets produits par l’humain est faible. Dans la citation précédente, Hume ne pense pas du tout que l’univers ressemble à une machine complexe. Bien que la régularité des lois de la nature puisse inspirer cette analogie superficielle, les artéfacts humains sont toujours clairement conçus pour une fonction bien précise. Il faut souvent beaucoup d’imagination pour percevoir un but dans certains aspects de l’univers.

Dans le même ordre d’idée, à un journaliste qui lui demandait ce que son étude de la génétique lui avait appris au sujet de Dieu, le célèbre biologiste anglais J.B.S. Haldane fit cette fameuse réponse : « Il doit avoir un anour démesurée pour les coléoptères ». Haldane faisait allusion aux dizaines de milliers d’espèces de ces insectes (on en dénombre aujourd’hui quelque 300,000) qui ne semblent pas exister à d’autre fin que leur propre reproduction.

(2) L’intelligence est seulement une cause parmi d’autres de modèles complexes dans le monde. De nombreux phénomènes naturels se produisent sans l’intervention d’aucune intelligence. Les marées, par exemple, ne pourraient illustrer la position de Paley car, même après un examen superficiel, on se rend compte que leur explication en termes de simples interactions gravitationnelles ne nécessite pas de concepteur intelligent.

 (3) Même si l’intelligence est omniprésente maintenant, il ne s’ensuit pas logiquement que l’origine de l’univers soit due à cette intelligence. On peut illustrer ce concept en termes contemporains si nous imaginons qu’il soit un jour démontré que la vie sur Terre a été implantée par une race d’extraterrestres extrêmement intelligents. Cette découverte, bien sûr, ne ferait pas de ceux-ci des dieux, et ne fournirait pas une explication de l’origine des extraterrestres ni de l’univers dans son ensemble. En fait, l’homme pourrait un jour tenter quelque chose de ce genre, sans pour autant accéder au statut divin (à moins que ce ne soit dans l’esprit potentiellement superstitieux des créatures résultant de nos propres expériences …).

(4) L’origine de l’univers est un cas unique et les analogies sont donc inutiles. C’est un argument subtil mais très bon, considérant qu’il y a beaucoup d’objets naturels, d’organismes et d’artéfacts humains à partir desquels on peut construire des analogies, tandis qu’il n’existe qu’un seul univers. La science peut puiser des analogies significatives dans la comparaison de deux populations, objets ou entités. Mais alors que nous pouvons comparer entre eux les attributs des roches, des yeux, des marées et des montres, à quoi donc comparer notre univers? Nous ne pourrions songer qu’à comparer le tout à une seule de ses parties, impuissants que nous sommes à trouver un autre tout autonome à des fins de comparaison.

(5) L’analogie entre les esprits humain et divin est clairement anthropomorphique. La nature ressemble davantage à un organisme sans aucune conscience qu’à un être intelligent et doté d’un but. C’est une autre façon d’exprimer le premier point de Hume, cette fois en mettant en évidence la vision étroite d’une théologie qui prétendrait comprendre l’esprit de Dieu comme étant une simple version de l’esprit humain poussée à l’extrême.

 (6) Le fruit de la pensée anthropomorphique est un Dieu limité. Hume contre-attaque ici en démontrant que si l’argument de la conception est pris au sérieux, on doit conclure que le Dieu régissant l’univers est bien différent du Dieu chrétien. Puisqu’il n’y a, dans l’argument analogique du concepteur, aucune preuve indépendante de la perfection du créateur, nous devons juger de sa capacité et de ses qualités selon ce que nous voyons de son œuvre. Et nos observations de l’univers dans lequel nous vivons s’accordent mal avec la notion d’un Dieu créateur tout-puissant. Pour paraphraser le philosophe Bertrand Russell, si, en disposant de millions d’années et d’une puissance infinie, j’avais accouché d’un univers tel que nous le connaissons, j’aurais honte de moi-même.

L’évolution à la sauce théiste

La dernière étape de cette longue série de positions créationnistes est généralement appelée l’évolution théiste . C’est la position plus ou moins implicitement acceptée par la majorité des chrétiens, en particulier dans les pays d’Europe occidentale. Autrement dit, Dieu agit à travers les lois naturelles et les processus qu’il a créés, et il n’y a aucune raison de penser que la sélection naturelle soit une exception.

Il s’agit aussi essentiellement de la position officielle de l’Église catholique, selon deux écrits du pape Jean-Paul II. Les papes précédents, comme Pie XII, avaient pris une position ferme contre la théorie de l’évolution :

… un grand nombre de savants…prétendent que le système dit de l’évolution s’applique à l’origine de toutes les choses… (ils) professent, avec complaisance et non sans audace, le postulat d’un unique tout fatalement soumis à l’évolution continue. Or, très précisément, c’est de ce postulat que se servent les partisans du communisme pour faire triompher et propager leur matérialisme dialectique dans le but d’arracher des âmes toute idée de Dieu. 

En contrepartie, Jean-Paul II (le pape qui, sans être un parangon de libéralisme, a tout de même réussi à pardonner à Galilée avec quelques siècles de retard), a écrit en 1997 à l’Académie pontificale des Sciences une lettre beaucoup plus sobre, affirmant que « de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse », mais il se dépêche d’ajouter: « Le moment du passage au spirituel n’est pas objet d’une observation de ce type », tentant ainsi de réserver à l’Église un domaine intouchable de connaissances à l’abri des explications naturelles.

La seule thèse qui ne comporte aucun élément créationniste, même sous la forme la plus bénigne acceptée par l’Église catholique et la plupart des principales confessions protestantes, c’est la dernière inscription au classement d’Eugenie Scott : l’évolution matérialiste si redoutée par les créationnistes. Il s’agit d’une position philosophique (par opposition à scientifique) soutenant que la totalité des lois et processus naturels, y compris l’évolution , n’ont nullement besoin de causes surnaturelles. Aucun chrétien aussi fervent soit-il ne prétendrait que Dieu agit directement à travers la loi de la gravité en surveillant constamment le mouvement de chaque objet; par analogie, les biologistes ont tendance à penser que la sélection naturelle n’est que cela, un processus naturel qui n’a nul besoin de supervision.

Il y a deux choses importantes à réaliser dans le cadre de l’évolution matérialiste. Premièrement, et c’est peut-être le plus important dans cette controverse création –évolution , l’évolution matérialiste n’implique pas automatiquement l’athéisme. Il existe plusieurs autres possibilités conciliant à la fois l’acceptation d’une évolution matérialiste et la croyance en un dieu. Cela est vrai autant en théorie qu’en pratique. En théorie par exemple, on peut très bien être déiste, c’est-à-dire croire que Dieu a créé l’univers et ses lois , mais s’est abstenu par la suite de toute intervention directe dans sa création. Dans la pratique, Theodosius Dobzhansky, l’évolutionniste responsable de l’une des phrases les plus détestées par les créationnistes («rien en biologie n’a de sens si ce n’est à la lumière de l’ évolution») a lui-même été un fervent chrétien.

Deuxièmement, il a toujours été communément admis que la plupart des scientifiques sont matérialistes et ne croient pas en un dieu personnel. Cela s’avère mathématiquement exact. Dans deux articles intéressants parus en 1997 et 1998, E.J. Larson et L. Witham ont démontré par les résultats de deux enquêtes que cette croyance (ou plus exactement son absence) est celle d’une majorité de scientifiques « ordinaires » et de presque tous les scientifiques de haut niveau (tel que déterminé par leur appartenance à la National Academy of Sciences).

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